Diagnostique archéologique 2013

Extrait du site https://journals.openedition.org/adlfi/17543

Léobard – Abbaye Nouvelle

Responsable d’opération : Joseph Mastrolorenzo
 

1 L’opération de diagnostic à l’Abbaye Nouvelle de Léobard a été prescrite dans le cadre d’un projet d’aménagement d’un système d’évacuation des eaux pluviales dans la partie nord du cloître. Le diagnostic avait pour but de tester le potentiel archéologique restant de l’espace claustral en friche. Trois sondages ont été ainsi réalisés dans le cloître, dont l’emprise globale atteint 60 m2 environ.

2. L’Abbaye Nouvelle se situe dans la commune de Léobard, localisée au centre ouest du département du Lot, entre Gourdon et Salviac, au cœur de la Bouriane. L’ensemble monastique est implanté à 2 km au sud du bourg de Léobard, sur le Pech-Gibert, un éperon rocheux situé au bas du versant de l’étroite vallée du Céou. La topographie du site témoigne d’un choix soigneux et hautement stratégique pour l’implantation du complexe abbatial. Les bâtiments conventuels se développent ainsi sur l’éperon rocheux. Cet emplacement leur confère ainsi l’isolement requis. De plus, l’église massive, accrochée à la façade nord de l’éperon, offre à  la   fois   un   écran   aux   bâtiments   conventuels   situés   à  l’arrière, une visibilité importante dans le paysage et une facilité d’accès à la vallée par le biais de la salle basse ménagée sous l’église.

3. L’Abbaye Nouvelle est une fondation de l’abbaye cistercienne limousine d’Obazine qui profite de la donation du seigneur de Salviac, Guillaume de Gourdon, soupçonné d’hérésie, pour implanter le 7 mars 1242 une abbaye-fille dans le diocèse de Cahors. Il semble qu’il faille attribuer à l’abbé Odo de Ventadour le premier jet de l’ensemble monastique actuel suite à plusieurs dons à l’abbaye entre 1259 et 1261. Des donations supplémentaires permettent à l’abbé suivant, Durand, de poursuivre la construction des bâtiments réguliers et l’église. En 1267, des donations de pâturages viennent augmenter le foncier de l’abbaye. À partir des années 1320, les donations se font désormais aux dominicains et aux franciscains, laissant l’abbaye dans la situation précaire qu’elle connaîtra jusqu’à son abandon définitif. S’ensuit un climat d’insécurité pendant la guerre de Cent Ans, avec la prise de l’abbaye en 1377 par les Anglais, déboutés par les seigneurs locaux. Un nouvel assaut est donné en 1387. L’histoire de l’abbaye se perd dans le conflit centenaire, mais les lieux semblent être désertés. Ils sont vraisemblablement réoccupés progressivement, de manière plus sûre à partir de la fin de la guerre. En 1502, l’abbé Jean de Ventadour se plaint qu’il doit restaurer l’ensemble des bâtiments avec les maigres revenus de l’abbaye. L’aile occidentale, abritant à l’origine les frères convers et transformée en logis prieural, semble néanmoins être la seule à avoir fait l’objet de travaux. C’est sous ce même abbé que l’abbaye passe à un régime commendataire. À partir de 1542, ce sont des laïcs, la famille de Montfaucon, qui assurent la commende à l’Abbaye Nouvelle. En 1658, l’évêque de Cahors modifie le statut de l’église abbatiale, en église paroissiale. L’édifice gothique est, dès lors, réduit de moitié par la mise en place d’un nouveau chevet entre la deuxième et la troisième travée. Le culte se déroule désormais dans sa partie occidentale, dont le portail actuel porte par ailleurs la date de 1669. En 1739, lorsque Jean Duval de Montmillan devient abbé commendataire, les bâtiments conventuels sont abandonnés et voués à la ruine. À la Révolution, l’abbaye est vendue comme bien national pour la somme de 35 livres.

Fig 01

Vue générale des sondages.

Fig 02

Plan général.

4. Les investigations archéologiques ont permis de mettre à jour une partie des murs-bahuts des galeries nord et est. Un mur important (0,90 m d’épaisseur) a été également observé à l’est du mur bahut de la galerie orientale et est parallèle à ce dernier. Par ailleurs, ce mur est chaîné et donc contemporain du mur sud de l’église. Il s’agit donc du mur gouttereau ouest de l’aile orientale. Si l’on se réfère à l’architecture cistercienne en France et en Europe, le bâtiment le plus proche de l’église dans l’aile orientale de l’ensemble claustral est soit la salle capitulaire, soit la sacristie.

5. Des informations concernant le mode de couvrement de la galerie septentrionale sont apportées par les trois corbeaux visibles sur le mur sud de l’église. Ils sont régulièrement espacés et soutenaient vraisemblablement la poutre faîtière portant les chevrons (ou arbalétriers) de la toiture en appentis. Les arrachements sous-jacents sont probablement les vestiges d’ancrage des entraits (ou soit de jambettes, soit de contrefiches).

Fig 03

Vue du sondage à l’angle sud-est du cloître.

Fig 04

Restitution des galeries du cloître (profil nord-sud).

6. Les données archéologiques nous informent qu’une différence de niveau de circulation existe entre la galerie nord et sud (149,25 m NGF environ au nord, 150,75 m NGF au sud, soit 1,50 m). Ce dénivelé semble avoir été racheté par la mise au jour d’une volée d’escalier à l’angle nord-est de la galerie orientale. Si on considère le niveau de circulation de la galerie est vers 149,75 m, on peut restituer un escalier à l’angle nord-est de 3 à 4 marches (0,50 m de dénivelé) et un autre à l’angle sud-est de 6 à 7 marches (1 m de dénivelé). Les traces d’outils de taille sur le rocher au sud montrent une volonté d’aménagement de l’espace central, occupé par le jardin clos. Le niveau de circulation de la galerie nord étant inférieur au toit rocheux, le niveau de jardin devait probablement se situer au niveau de la galerie est.

Fig 05

Sépulture ménagée le long du mur sud de l’église.

7T r ois sépultu r es ont été mises au jour : une  inhumation en place contre le mur gouttereau de l’église et une réduction sous la galerie nord puis enfin le coffrage (enfeu ?) de la sépulture découverte en 1985 par l’association pour la Sauvegarde de l’Abbaye Nouvelle à l’angle nord-est du cloître. La première sépulture est une réduction d’au moins deux individus (présence de deux mandibules) correspondant à une sépulture secondaire. Les défunts sont des adultes de taille moyenne et de sexe masculin. Cette réduction a été réalisée soit pour faire de la place à d’autres inhumations postérieures, soit lors des aménagements tardifs des soupiraux de la salle basse. La seconde sépulture est une inhumation ad sanctos d’orientation est-ouest, placée contre le mur gouttereau sud de l’église abbatiale. Le défunt est placé en décubitus dorsal, la tête à l’ouest est légèrement surélevée et les bras croisés sur le ventre. Le squelette est en parfaite connexion, ce qui indiquerait probablement une inhumation dans un espace colmaté (en pleine terre, avec ou sans protection). Le défunt était   un   adulte   de   sexe   masculin   d’assez   grande   taille.  La troisième sépulture est localisée contre le mur bahut de la galerie est, juste à l’angle nord-est. Elle correspond à la sépulture mise au jour en 1985, et dont les ossements ont été entreposés dans une boîte en bois conservée à l’intérieur de l’église. Sur le terrain, nous avons pu simplement observer son coffrage maçonné de forme trapézoïdale. La mise en place de cette sépulture est intervenue a posteriori de l’édification des galeries est et nord. On observe également que le couvrement maçonné est arasé au-dessus du niveau de la première marche de l’escalier menant à la galerie est, ce qui indique que l’on est probablement en présence d’une inhumation visible à l’origine par l’aménagement d’un enfeu. Cette tombe possède un fort caractère privilégié de par sa localisation dans la galerie orientale ainsi que par la visibilité de son aménagement (enfeu). Il est probable qu’elle ait accueilli un abbé ou un personnage important de l’abbaye.

 

8. L’intervention archéologique a permis d’étayer la compréhension du site cistercien à bien des égards. L’originalité de ce complexe monastique, perçue depuis de nombreuses années maintenant, réside dans le choix topographique de son implantation et l’organisation architecturale qu’elle génère. En effet, les galeries du cloître de l’Abbaye Nouvelle sont à différents niveaux. Le dénivelé est pallié probablement par le biais de volées d’escalier aux deux extrémités de la galerie est. De nombreux éléments de l’organisation architecturale de ce cloître restent toutefois dans l’ombre, comme l’aile occidentale dite des Convers et sa galerie dont aucun vestige n’est visible. L’aspect funéraire a également été exploré, il a permis de mettre au jour les zones archéologiquement sensibles du cloître, à savoir les abords de l’église abbatiale.

Pour citer cet article

Référence électronique

Joseph Mastrolorenzo« Léobard – Abbaye Nouvelle » [notice archéologique], ADLFI. Archéologie de la France – Informations [En ligne], Occitanie, mis en ligne le 14 juin 2016, consulté le 18 mars 2021URL : http://journals.openedition.org/adlfi/17543

Auteur

Joseph Mastrolorenzo

Archéologue en Architecture

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